Fernand Raynaud sees the lighter side of rain ….

 

 

 

Une nuit au camping

Tout s'est bien passé !

Sauf, je me souviens une nuit, c'était un 13 août. Ça, je m'en souviendrai toute ma vie ! Y'avait une pluie diluvienne. Nous, on était arrivés les derniers dans le camping de sept mille, alors ils nous avaient refilés en bas du camping.

 

Une pluie diluvienne. La flotte qui montait. Nous, on était sur nos matelas pneumatiques. Au dernier moment y'avait M. et Mme Chalamont qui étaient venus. Mme Chalamont est une dame très gentille. Mme Chalamont, comme on dit, c'est une brave dame, c'est une dame assez forte, et justement, je me souviens un matin, quand on allait se baigner par le petit sentier qui conduisait à la mer, je marchais derrière Mme Chalamont qui était en maillot de bain ‑ parce que, vous savez, les moeurs d'aujourd'hui n'acceptent pas qu'une jolie fille de dix‑huit ou vingt ans extériorise ce que la nature a créé, ses beaux seins, elle n'a pas le droit! Ouh, la la... C'est interdit par le ministère ! Les jeunes filles n'ont pas le droit de montrer ce que Dieu a créé, croyez‑moi, mais, par contre, y'a des dames d'un certain âge qui ont le droit d'extérioriser, elles, leurs postérieurs... Elles ne sont pas Yé-Yé, mais ça balance... Je disais donc que dans le petit sentier, j'étais juste derrière Mme Chalamont, et je soliloquais, j'me disais : “ Quand même c'est chouette d'être en France ! Quand on pense que les Américains dépensent des centaines de milliards de dollars, quand on pense que les Russes dépensent des centaines de milliards de roubles, tout ça pour aller photographier de l’autre côté de la lune et que nous, ici, sur les plages françaises, on pent photographier le devant et le derrière pour pas un rond. Vive le camping !”

 

 

Donc, y'avait la flotte qui montait, qui montait... Tout le monde flottait sur les matelas pneumatiques, sauf Mme Chalamont. On l’a sauvée in extremis en la tirant par les cheveux. Ma soeur, qui rêvait toute joyeuse, elle disait

 

“Eh bien, s'il continue à faire un temps comme ça on pourra pas aller se baigner!” Elle avait de l'eau jusqu'au nombril, la pauvre. Mon beau‑frère qui rêvait qu'il croyait qu'il était à la pêche, v'là‑t‑il pas qu'il saute sur Mlle Lelonbec : “ J'tiens une belle pièce, j'tiens une belle pièce. Ah, cette fois‑ci tu te sauveras pas ! J'te tiens !” Cette pauvre Mlle Lelonbec qui hurlait : “A moi! À moi ! On me veut!” Je pensais en moi‑même : “Tu ne risques rien.”  Il faut la voir, Mlle Lelonbec. Elle, elle peut sortir le jour, la nuit, dans les clairières, elle risque rien du tout, Mlle Lelonbec. Comme me disait un C.R.S. : “ Si elle arrive à la plage en monokini, pas de sommation, on tire tout de suite! Tac... Tac... Tac..” Elle pourrait se trouver mal sur la plage, y'a pas de volontaire pour le bouche‑à‑bouche, ou alors le gars est complètement mirot !

 

Mme Chalamont, la pauvre, ça lui a fait comme un coup de reversi‑reversa, ça l'a fait retomber en enfance. Elle criait : “Y'a d'la lolo! Y'a d'la lolo!” On s'est retrouvés tous à cinq heures du matin dans l'école du village qui nous offrait des grogs pour nous réconforter. Vous vous rendez compte, on avait tout perdu ! La toile de tente, les casseroles, qui étaient parties au fil de l'eau... Y'en a qu'un qui était chouette, qui nous a relevé le moral, c'est le patron du camping, le patron des sept mille places : “J'aurais tellement voulu être parmi vous, mais j'ai pas pu. . .”  Il a pas pu trouver de place.

 

Alors, ce pauvre malheureux, il a été obligé d'acheter un appartement au Carlton, avec trois maîtres d'hôtel, cinq femmes de ménage, deux chauffeurs, deux cuisiniers . . .

 

 

 

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